Vivre de rosé et de merguez

Les beaux jours arrivent. Une sorte d’hystérie collective a envahi les rues toulousaines. Les gens se découvrent un soudain amour pour la vie et tout le monde se bouscule pour profiter de la dernière miette de rayon de soleil de la journée.

C’est pas comme si on vivait dans le grand Nord, la moitié de l’année plongée dans la pénombre. Mais quand même, ça déclenche une espèce d’agitation. Tout d’un coup, personne ne sait quel jour on est. Chacun écume les terrasses de café la truffe au vent, et dans la bière, comme si personne n’était obligé d’aller bosser le lendemain.

La guerre des places au soleil a commencé. Comme un bon Toulousain, tu sais à quel endroit de la ville boire un canon au soleil en fonction de l’heure de la journée. En fin d’aprèm, tout le monde se rue donc vers le Café des Artistes. Sauf les babos qui vont jouer avec leurs bolas sur les quais de la Daurade, et les étudiants qui ne peuvent pas se permettre de payer un demi quatre euros. De toute façon, soleil ou pas, eux s’envoient de l’eau à la bière Chez Tonton tout au long des quatre saisons.

Les bobos, eux, se poussent au coin des terrasses. Pas de place pour les faibles, la trêve hivernale est terminée. Ta chaise : tu la gagnes ou tu ne t’assieds pas. L’œil vif du faucon, tu guettes le moindre geste des gens assis.

Oh putain, y’en a un qui se lève ! Vazy, vazy Francine, fonce ! FONCE !

Jet de sac à main, bout de fesse sur la chaise, air de celle qui l’a joué complètement tranquille. Francine remporte la bataille contre un autre groupe de nana.

– Héééé mais on attendait. On était là avant vous !

– Sérieux ? Francine, t’as capté ? Franchement, je suis pas sûre de ça les filles.

Tout le monde sait que t’es en train de mytho. Les nanas du groupe en face le savent, Francine le sait, et tu le sais. Mais bon, tu ne peux pas non plus affirmer haut et fort que les règles de vie en société tu t’en bats la race et que t’étais prête à lui mettre une balayette pour une place au soleil, sinon ça fait un peu sociopathe.

Le printemps est aussi une période où tu ne sais plus où tu en es dans ta garde-robe. Niveau vestimentaire, c’est le chaos. Chacun est livré à lui-même, ne sachant s’il faut miser sur la petite laine ou le t-shirt. Sur le même trottoir, tu peux donc trouver des gens avec des chaussures à fourrure, et d’autres avec des nu-pieds. C’est là que tu peux savoir si le mec s’est levé pour aller bosser ou non, parce que tu peux être sûr que celui qui est en t-shirt, sans veste, n’a pas participé à l’effort collectif et s’est levé aux alentours de 15 h, sans stress de la rosée du matin.

Evidemment, le printemps est également la saison des amours. Ça refoule les hormones aux quatre coins de la ville. Les pigeons dégueulasses entrent en parade amoureuse et essayent de pécho tranquillement à côté de ton paréo à la prairie des filtres. Les gens deviennent, tout à coup, beaux. Tout le monde sort son petit polo, ou petit top de saison, lunettes de soleil et jupes raccourcies. Bon là y’a deux écoles, celles qui laissent tomber les collants, qui se jettent à l’eau, et les autres. Perso, ma petite robe d’été me fait de l’œil mais je n’ai pas encore franchi le cap. Mes jambes sont blanches comme des culs et j’ai la marque des chaussettes d’hiver encore incrustée sur les chevilles.

Un murmure se fait entendre et ça commence à fouetter la grillade dans tous les quartiers. Les appareils à raclette ont été refourgués au placard. Le pote qui a un barbecue devient l’Homme providentiel. Et celui qui a le jardin qui va avec, est désormais classé dans la catégorie « bon parti ». Balec de ta BM, moi je veux bouffer des merguez avec des couverts en plastique. Et si y’a du rosé, je veux bien t’épouser. Jamais rassasié de chipo, chacun enchaîne les grillades comme si on allait tous mourir demain.

Et puis surtout cette année, le printemps, il sent particulièrement bon. Je sais pas, y’a une odeur comme ça, de jasmin, d’œillet, de rose et … de VIe République. Vous sentez ?

Retrouvez les Tribulations Toulousaines sur In The Morning Mag.

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