Martine cherche un taf

Nous vivons dans un monde compliqué. Et nous, pauvres enfants des années 80, sommes livrés à nous-mêmes menant bataille entre stages non rémunérés, formations financées par le Dif et autres tutos sur « comment gagner de l’argent avec des vidéos de chats ».

Si aucune génération avant nous n’a connu autant de liberté sur la façon de concrétiser son passage sur terre, nous sommes la première à devoir improviser face à tout ce possible et ce manque de possibilités. La case chômage est pour beaucoup obligée et le 28 du mois, jour d’actualisation pôle emploi pour les non initiés, devient désormais une date anniversaire.

Nombreux sont donc ceux qui tentent des reconversions professionnelles. De 25 à 35 ans, il n’est pas rare de voir un jeune diplômé changer plusieurs fois de parcours. Du coup les gens ont de multiples talents.

On se retrouve donc avec des amis aux capacités variées mais complètement incompatibles les unes avec les autres, comme des instituteurs-crêpiers ou des réparateurs de serrures ET de lunettes. Pour ne citer qu’eux. La rue regorge de gens aux talents discordants.

Attardons nous sur le cas de Martine, ingénieure de formation. Elle représente à elle seule le combat de notre génération. Alors que nous avions fondé tous nos espoirs en elle pour obtenir le prix Nobel de physiologie avant ses 35 ans et ainsi sauver l’honneur de cette bande de copains incultes – voire sauver le monde de je ne sais quelle bactérie – , voilà qu’elle nous annonce ses projets de paysannerie.

Et y’a pas à dire, la campagne, ça vous change une femme.

Maintenant, la dame a sa carte de fidélité chez Bricomarché, ses mains sont musclées comme celles d’un trappeur de Sibérie, mais surtout son cœur s’est transformé en pierre. Déjà qu’elle faisait pas trop de chichis, là c’est marche ou crève.

– On a attrapé un ragondin, on savait pas quoi faire. Personne ne voulait le tuer.

– Fallait le relâcher !

– Non mais il nous bouffe toutes nos salades ! C’est notre ennemi Lola, il fallait l’éliminer.

– Ah, ben dans le Lot-et-Garonne, ils en font du pâté.

– Ouais, on a déjà eu du mal à le tuer, alors le pâté… On l’a noyé. On a mis la cage dans le canal. Le truc se débattait tellement que la cage s’est ouverte deux fois. Quand elle s’est enfoncée dans l’eau, ça a fait plein de bulles. On l’a laissé douze heures au fond, histoire d’être sûr.

Ambiance de film d’horreur à la ferme. Ça m’en a foutu des frissons. J’étais à deux doigts d’appeler Brigitte Bardot. Au bout du troisième ragondin noyé dans le canal, j’ai compris que le génocide était inévitable.

Faut avouer, qui n’a pas rêvé un jour de monter un village auto-suffisant où Pierre s’occuperait du pain, Paul des légumes, Jacques de la bière et Bibi de monter des hamacs. Avec mon habileté récente à manier le marteau, je peux te clouer du hamac pour tout un village easy.

Ben j’ai tenté l’expérience paysanne auprès de Martine. Et je peux vous dire que ça vous passe les envies d’auto-suffisance.

Moi j’viens du 4.7 tavu. Les champs c’est un peu ma patrie, mon sang quoi. J’ai débarqué à la ferme avec mes Nike blanches, oklm.

– On va déplacer ce tas de baches dans le camion et l’amener à la déchèterie. T’as des affaires pour travailler ?

Martine m’a fait remballer mes Nike illico pour me filer une paire de bottes taille 45. Pas de chichis on a dit. Et si les baches sont pleine de glace, gelées par le froid, tu les prends à mains nues et tu bronches pas, Martine veille.

Comme Martine, tout le monde est donc en mode « survie ». Bon certes, on a pas tous à gérer les invasions de ragondin mais on se trouve des ressources que l’on avait pas estimées. Tout devient une possible porte de sortie et une opportunité de subvenir à ses besoins. TOUT.

Tiens, tiens. Je me débrouille pas mal avec ce collier de pâtes. Je pourrais peut-être le commercialiser. Auto-entrepreneuse d’une marque de collier panzani. Hum, je tiens un concept. Génial.

Ou

Hé mais c’est moi qui ai fait ces fanions de ouf ? Ça en jette pas mal. Hum, je crois que je viens de me trouver un nouveau talent. Personne n’a encore pensé à vendre des fanions personnalisés. Ça va cartonner. Génial.

Ou

Tiens j’aime bien écrire. Et ! Mais j’y pense ! Si j’écrivais un blog avec des anecdotes rigolotes, on sait jamais, peut-être que je gagnerais le prix Goncourt avec mes histoires de marteau et d’huîtres. Génial.

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