Vends doudoune grise, état neuf. Grosses poitrines s’abstenir

Il y a deux catégories de personnes. Celles qui sont à l’aise avec n’importe quoi, la nage, le ski, prendre l’avion, changer un fusible, faire un gratin, penser à acheter du PQ. Et les autres.

Je fais partie de la deuxième catégorie. Surtout quand ça touche à une activité sportive. Même si je peux quand même m’enorgueillir de ne pas faire partie de la catégorie des dindes du collège, celles qui avaient toujours un certificat médical en cours de sport, sous prétexte d’être indisposées. À cet âge, être bon en sport vous classe dans une certaine caste. La bataille était rude mais mes Air Max et jogging Ellesse m’ont permis de franchir cette étape. Dieu merci la marque Ellesse est depuis tombée dans l’oubli.

Toujours est-il que l’UNSS n’étant plus accessible après l’adolescence, je me suis peu à peu éloignée des activités sportives en général.

Mais comme toute Toulousaine qui se respecte, la proximité des Pyrénées m’a conduite plusieurs fois sur les pistes de ski. Et franchement, le ski n’a aucun respect pour moi.

Déjà je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours l’air has been. Complètement en décalage avec ma génération. Bon je le cherche un peu. J’ai dû refaire ma garde-robe. Et comme je ne skie pas tous les quatre matins, j’ai un peu fait ma radine et me suis trouvée tout un équipement à la friperie de la Croix Rouge.

J’ai donc dégoté une petite combi-salopette moulante bleue marine avec pattes d’éph’ ainsi que des chaussures de rando décathlon vert gazon (j’ai bien dit décathlon et non quechua, marque abandonnée dans les années 90 par l’enseigne). Ajoutez à ça ma doudoune façon gris métallisé – normalement destinée à la petite cousine Emmanuelle, 12 ans, mais qui a de trop gros seins pour rentrer dedans donc pourquoi pas la refourguer à Lola – et vous avez une image de mon look sur les pistes.

En plus d’avoir l’air de sortir d’un documentaire sur le sport d’hiver des années 80, je suis évidemment toujours la dernière, celle qui râle et chouine jusqu’à ce qu’on décide d’aller boire une bière au restaurant de la station.

– Non mais je vous jure les gars, je galère. Doit y’avoir un problème avec mes skis.

– Ouais. Sinon c’est peut-être parce que tu craches le paquet de clopes que t’as fumé dans la bagnole.

– Non, c’est les skis j’vous dis. M’attendez pas, je v… La bande de riders expérimentés n’attendra pas que je me remette de mes émotions. J’ai déjà le visage rouge sang, la mèche collée aux joues et les lunettes tapissées de morve, va savoir comment.

Après quatre gamelles en moins de trente minutes, je me décide à amener mes skis à la boutique. Une pote m’avait gentiment prêté les siens. Des skis jaunes, de l’époque napoléonienne, pour ne rien arranger à mon style. Je feins la détente devant le loueur de godasse qui me toise avec l’air d’un chirurgien dérangé en pleine opération à coeur ouvert.

Je comprends pas, il doit y avoir un problème avec mes skis, je déchausse tout le temps.

Regard oblique du chirurgien. Vu la tronche de l’ensemble de mon matériel, il doit être tenté de me filer une luge. Je lui tends mes skis et mes chaussures.

Vous avez pensé à regarder sous vos chaussures ?

Il retourne l’une d’elle. En effet, le plastique qui lui servait de semelle est complètement rongé. J’ai de la chance d’avoir pu descendre une piste sur mes skis.

Je ris. Pas lui.

Du coup me voilà partie pour payer une journée de location de ski. Un peu honteuse de mon manque de perspicacité mais heureuse de pouvoir mettre ma nullité sur le compte du matériel, j’enfourche mon nouveau matos pour rejoindre les copains.

Et là, je redécouvre les joies de la glisse. Bon je reste la dernière mais je me viande beaucoup moins et j’ai arrêté de râler.

Sauf qu’en vrai, deux descentes plus tard, j’ai de nouveau envie de chouiner et de m’affaler au bar avec une cigarette. J’ai mis trois fois trop de fringues, tous mes sous pulls (oui j’ai des sous pulls. Débat clôt.) et collants en laine, et je transpire comme sous les tropiques. Malgré tout je ne sens plus mes mains et n’arrive pas à gérer mon accès aux mouchoirs. Ce mélange de sueur et de morve me rend un peu hystérique. Il serait de bon ton de faire une pause repas, pour la santé mentale de tout le monde. Sauf que j’ai déjà bouffé la moitié de mon sandwich au thon à la tomate et la totalité de mes balistos.

La larme à l’oeil je tente à nouveau d’attraper un mouchoir avec mes gants. Dans l’opération je réussis à faire tomber mon tabac dans la neige. Je suis à bout, toute tremblante du genou sur mes skis. Mes potes m’appellent Bambi en ricanant loin de se douter de l’hystérie qui guette sous ces cheveux plein de morve. Je décide de ne plus bouger, là le cul dans la neige. J’entame une protestation silencieuse couplée d’une grève de la faim puisque je n’ai plus de balisto.

Je finis par comprendre que tout le monde s’en branle et je capitule. Je me résous à rejoindre le banc de morues chouineuses du restaurant en bas des pistes.

Je ne sais pas pourquoi je m’inflige ça chaque année alors que tout le monde sait très bien que je ne suis là que pour les balistos. Et le vin chaud.

En fait, j’adore le ski, vu du bar.

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