Profession journalope

Toutes les professions sont en proie aux clichés. Les profs vont se faire chambrer sur leurs 850 semaines de vacances par an. Les avocats sur leurs comptes en banque bien fournis. Les artistes sur leurs comptes en banque peu fournis. Les policiers sur leur inclinaison pour la matraque.

Les journalistes, eux, sont tous des petites fouines ignorantes.

J’aurais une petite pensée pour tous ces gens qui exercent une profession que personne ne comprend. On en connait tous au moins un, surtout quand on vit à Toulouse. Quelqu’un qui travaille à l’expertise-qualité-unité-test-blabla d’un sous-traitant d’Airbus. Ces gens-là souffrent. Parce que personne ne sait comment les chambrer, on évite le sujet. J’ai dernièrement rencontré une personne reconvertie en cuistot dans le but que ses proches comprennent son job. On en parle peu mais il y a une sorte d’exclusion sociale pour ces gens qui ne peuvent briller en société en racontant leur journée de boulot. Personne ne bite de quoi ils causent, et toute l’attention se porte alors sur le journalope, qui lui a un métier bien compréhensible. Ce sont donc d’ailleurs ces professionnels-là qui balancent des clichés à tout va pour exister dans la conversation.

Et de fait, quand tu expliques que tu es journaliste en société, ça fait de l’effet. On aperçoit souvent cette étincelle dans les yeux de son interlocuteur, qui t’associe direct à Elise Lucet, Claire Chazal ou Arlette Chabot en fonction de comment tu présentes ce jour-là. Et c’est là que le malaise apparaît.

– Waouuu la classe. Vazy raconte, c’est quoi ta spécialité ?

À ce moment là, tu repenses à ton article de la journée qui portait sur l’agrandissement du local à poubelle du club du 3ème âge.

– Ooooh ben disons que je travaille pas à la Maison-Blanche en fait. Donc quand t’as une actu tu la traites et tu fais pas chier.

Faut avouer, un journaliste en province fait pas des articles hyper sexy tout le temps. Il arrive qu’on ait de bons sujets. Mais parfois, de petits bijoux se cachent derrière des infos pourries. Un des mes meilleurs articles reste celui où on avait appelé à la rédaction parce que Paulette avait de « grosses tomates ». 15 août, rien à se foutre sous la dent, me voilà partie à l’aventure dans le jardin potager de Paulette. Bon les tomates étaient pas si grosses que ça mais je suis tombée sur un couple complètement déjanté qui valaient le détour. Paulette, 95 ans, et Antoine, 96, étaient tellement heureux de recevoir une journaliste au milieu de leurs courges qu’ils en ont oublié que j’étais en fait une journalope.

Et puis t’as ceux qui pensent que leur vie est assez intéressante pour figurer en une du journal.

Hé fais gaffe à ce que tu dis Manu, y’a une journaliste ! Mouhahaha, faut rien lui dire à elle, elle va tout recracher dans son journal ! Hahaha !

Non, le fait que tu te sois engueulé avec Fabienne au bureau n’est pas une information. Les français s’en tapent. Même s’il est vrai qu’une sorte de déformation professionnelle me pousse à analyser la plupart des choses qui se passent sous forme d’article.

Tiens, tiens, qu’est-ce que c’est que ce rassemblement en bas de la rue. Une manif ? Un accident ? Putain c’est peut-être un attentat ! Génial !

Ça s’est pour le côté pimpant, un peu bling-bling. En fait soit les gens t’admirent, soit ils te détestent. Et le journaliste multimédia nouvelle génération n’a que trop idée de ce que pensent les lecteurs. Grâce aux COMMENTAIRES. Les commentaires sous les articles sont un véritable défouloir où les journalistes en prennent pour leur grade.

Quoiqu’on fasse, qu’importe le sujet traité, on va manger, c’est un fait établi.

Et là tu oublies un « s » et c’est le drame.

Les coeurS avec un S !!! Apprenez à écrire francais les journalistes et fête votre travaille corectement !!!!!!!! 🙂

Sur les réseaux sociaux, une faute d’orthographe dans un article signifie la remise en question de l’ensemble de la profession. Au mieux tu es inculte. Au pire tu es à la botte des lobbies pharmaceutiques. Parce qu’il est évidemment de notoriété publique que les journalistes reçoivent des pots de vin. Quand tu fais un article sur les tomates de Paulette, c’est certainement parce qu’on t’a offert un panier garni (bon je suis repartie avec quelques tomates, ne me jugez pas, je ne suis qu’un Homme et j’aime bien les tomates).

Ceci est donc un message pour vous, chers lecteurs. Derrière chaque article il y a un petit coeur qui bat et qui s’est saigné aux quatre parfums pour écrire un putain de papier sur l’agrandissement du local à poubelle.

La prochaine fois que vous commentez, mettez lui des coeur.

Une réflexion sur “Profession journalope

  1. Sweet! 🙂
    La journalope doit parler de choses qui intéressent la société, qui en majorité ne comprend pas ce qu’elle fait. L’enjeu c’est de faire des choses destinées au public qu’on a choisi! L’ancien boulot du cuistot le faisait briller, mais dans une société qu’il rejette. Et le risque qu’il encourt dans son nouveau job existe pareillement, c’est de denaturer sa cuisine pour coller aux attentes de la société, plutôt que de conquérir sa propre clientèle, infime en comparaison, avec ses aspirations profondes.
    Écrire ce qu’on a dans le bide pour toucher les gens qu’on a envie de toucher. Et laisser la société corriger les fautes d’orthographe au lieu de mordre dans les tomates à Paulette.
    Coeur!

    J’aime

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