
Vincent Galy
C’est en voyant mes potes s’énerver sur les tournures de phrases lors de leurs conversations sur les sites de rencontres, que je me suis rendue compte, qu’en fait, la drague, c’est un concept vachement flou. Sisi c’est mes potes qui m’ont dit, je le jure. Wallah c’est pas moi qui vais sur les sites de rencontre.
Franchement, je juge pas. Chacun son truc hein. Moi, mon site de rencontre, ça s’appelle le rhum. C’est assez efficace aussi. Un peu plus direct, mais efficace.
Dans les films, on voit souvent les personnages se chambrer sur leurs « techniques » de drague, ou demander à un pote quelle est sa méthode de séduction, comment il/elle approche un mec/une nana.
Sauf que dans la vraie vie, la plupart des gens, ils y vont à la zob. Y’a pas de technique. Parce que devant un être humain que tu ne connais pas, ou peu, et qui t’attires, normalement, tu te sens un poil intimidé. Tout d’un coup, ton cerveau n’utilise plus les connexions habituelles. Alors que t’es un putain de blagueur dans la vie normale, là, t’as que des blagues de merde qui te sortent de la bouche. Bon, moi ça m’arrive rarement parce que je suis la plupart du temps au top, mais enfin on a tous des moments de faiblesse.
D’où le rhum. Evidemment, faut quand même pas trop abuser si tu veux pas te retrouver à galocher n’importe qui, voire n’importe quoi.
La scène est courue d’avance. Un jeune loup ténébreux fait son apparition dans le bar. Mes antennes se mettent en alerte. Je préviens ma meute de femelles de l’arrivée d’un mâle alpha. Les regards se fixent sur l’homme. Il a une boucle d’oreille, un grognement d’assentiment général secoue le groupe. Ce côté marin-poète est en quelque sorte un multipass. Il peut avoir les oreilles en chou, tant qu’il a une boucle d’oreille, il est pré validé par les louves.
Les proies potables sont finalement assez rares, je ne suis donc pas la seule femelle a avoir repéré le nouvel arrivant. Une hippie sans soutien-gorge et une jeune-maman-célibataire-bien-dans-sa-féminité sont sur le coup aussi. J’ai une longueur d’avance puisque je suis grande, je domine la foule. Et j’ai du rouge à lèvre, ça va les mettre sur la touche pour un moment.
Je toise mes deux concurrentes. La babos sans soutif a détaché sa tignasse pleine de noeud. La mère de famille se mordille les lèvres d’un air faussement détaché. Le jeune loup n’a pas la moindre idée de ce qui se trame. Je me mets un shot de rhum dans le gosier et me dirige vers ma proie.
Mes concurrentes ont perçu le mouvement. Elles sont en alerte et se rapprochent négligemment aussi, de sorte que nous encerclons le marin-poète. Tout d’un coup, un vieux mâle édenté fait son apparition. Les enceintes crachent un vieux morceaux de reggae, ce qui pousse le vieil homme a attraper la hippie pour se dandiner de façon complètement anarchique. Elle est prise au piège. OUT la babos. Une concurrente en moins.
Reste la jeune active mother fucker. Je la sens nerveuse. Elle n’a pas bu assez de rhum et ne sait pas comment entreprendre le loup des mers. Je renifle sa fébrilité et j’en profite pour mettre mon masque de jeune trentenaire sûre d’elle et qui ne s’est pas encore fait défoncer la teucha par un petit alien de 3,2 kg et 53 centimètres. Je prends mon air de tigresse ultra sensuelle. Ouais, je plisse les yeux quoi.
Je suis maintenant à moins de 30 centimètres du mâle. Sauf que tout d’un coup, rien ne va plus. Putain de sa mère, il sent la transpi de ouf ce marin d’eau douce, ça me casse l’ambiance. Bordel de merde, mec, on t’a pas expliqué comment on se sert d’un déo ? Je suis un peu déstabilisée par cette révélation olfactive. La jeune mère se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond. Elle me regarde, me jauge. Mais non, c’est mort, le mec refoule trop sa race, le charme est rompu. Il peut se carrer sa boucle d’oreille au cul, les douches c’est pas pour les clebs. L’active maman a compris le manège. Le fait que je ne sois plus dans le game la calme aussi sec.
C’est à ce moment là que le jeune loup me repère. Je suis presque collée à lui, il se sent pousser des ailes. Il me sort une blague carambar. Évidemment, puisqu’il n’a pas encore bu de rhum. En temps normal, j’aurais un peu secoué les cheveux et gloussé un minimum mais il ouèle trop du cul. Tout en respirant par la bouche, je m’arrange pour attraper le vieux mâle sans chicot et délivre la babos de son emprise.
La suite, vous la connaissez. La hippie, le nez anesthésié par des années de vie en camion, dreads locks sous le nez, et encens au chanvre de Katmandou, se retrouve la seule prétendante encore en lice pour le jeune marin qui fouette. Ils vécurent heureux et baisèrent gaiement cette unique nuit.
Lola, reprit un shot de rhum. Un autre. Encore un autre. Et… non, la suite je ne vous la raconte pas. Je l’avais dit pourtant qu’il ne fallait pas abuser.