Passion touriste

Les touristes du monde entier ont tous les mêmes passions dans la vie.

Se coller à ta serviette.

Rouler à 40 km/h.

Et aller faire les courses au supermarché.

C’est comme ça, c’est tout. Quand les gens sont en vacance, ils se transforment en un troupeau de chèvres molles, mues par l’appel des commissions à deux de tension.

D’ailleurs, le supermarché d’une ville en bord de mer n’est absolument pas configuré comme ceux des autres villes.

Prenons celui de Calvi. Ici, le consommateur est ciblé selon ses besoins. C’est à dire, boire de la bière, manger du saucisson et acheter des palmes en plastoc.

Quand tu débarques dans le Super U, c’est pire que la queue pour le Space mountain. Il faut s’armer de patience pour émerger des embouteillages des promos de l’entrée du magasin.

Dès que tu franchis les portes coulissantes, une odeur de saucifflard et charcuterie en tout genre vient t’agripper les naseaux. Les types ont concocté une déco fanion saucisson, y’en a dans tous les sens. Face à une telle odeur, même les vegans se sentent obligés d’acheter une saucisse sèche. Cet amas de jambons est entremêlé de packs de Pietra, bière locale corse. Ouais, t’amuses pas à acheter de la 1664 en Corse sinon c’est chevrotine direct.

Donc, t’as réussi à passer le cap de la masse. Tu as quand même récupéré une figatell et un masque de plongée pendant la mêlée. Le plus dur est fait mais c’est pas non plus la teuf. Comme quand tu sors d’un bouchon sur la rocade. Ça fait 20 minutes que t’étais à l’arrêt, donc là, le fait de rouler à 30 km/h, t’as l’impression de voler.

Ben, c’est pareil au Super U de Calvi. T’en as tellement chié à l’entrée que le reste paraît rapide.

Alors que tout le monde est sous perf de Xanax. Je sais pas si c’est la chaleur qui les endort ou si les Corses foutent du THC dans le saucisson mais tout le monde est au radar.

D’ailleurs, y’a que dans ce genre d’endroit que tu peux faire tes courses au milieu de gens dénudés et rougis. Et complètement stone. Même que si tu bouscules quelqu’un, ben il est quand même content. Les mecs sont en vacances quoi. Tu peux te comporter comme le pire des enfoirés, souffler, pousser et râler que ça n’avance pas, oui, voilà comme un parisien quoi, ben il va continuer à sourire. Le type est rouge comme un crabe, la peau cramée au 10 ème degré, le cheveu gras de monoï, il est à moitié à poil, le short flirtant avec sa raie, tu lui écrases le pied, mais il est ravi.

Donc, quand tu n’es pas en vacances mais que tu vis dans ce genre d’endroit et que t’as oublié le beurre, t’as les larmes aux yeux, à deux doigts de la chiale et de la pendaison. Tu fais un calcul rapide. Une heure et demi de route pour retourner au Super U alors que le magasin est à trois kilomètres. 45 minutes de queue devant le Space mountain des promos. 1h20 d’attente à la caisse parce que Jean-Michel n’a pas pesé ses nectarines. Voilà, quand t’as oublié le beurre faut bloquer une demi-journée.

Ce qui est particulier en Corse, c’est que cette mollesse générale côtoie l’excitation et l’exaspération non dissimulée des locaux.

Le scénario est souvent le même sur la route : une voiture de touriste, dans le pire des cas immatriculée 75, se traîne dans les virages, parce qu’elle ne connaît pas la route et profite du paysage. Derrière, une jeep, estampillée 2A, fait gronder le moteur d’énervement. Tel un insecte excité, le Corse fait des va-et-vients, de droite à gauche, se colle au cul, appuie sur l’accélérateur, et agite les bras dans tous les sens, au cas où on aurait pas pigé le message. Il va, lui aussi, à la plage, mais il y va vite, okay ?!

Quand t’as un peu roulé ta bosse sur l’île, tu sais que dans ce genre de cas, faut pas faire le barbeau. Tu te mets sur le côté sagement et tu laisses passer l’insecte. S’il n’est pas trop de mauvaise humeur, il te gratifie d’un coup de klaxon et met les gaz comme sur la batmobile. Tu le retrouves évidemment trois kilomètres plus loin au feu rouge, mais sa fierté d’autochtone est intacte.

Avec Kévin, (si tu ne connais pas Kev’, je t’invite à lire mon billet sur l’expatriation Corse, on va pas y passer la semaine) on commence à prendre le coup. Parce que je ne suis pas Corse mais je ne suis pas en vacances bordel de merde. ET J’AI BESOIN DE BEURRE POUR MON PETIT-DÉJEUNER, ALORS T’AVANCES CONNARD DE PARISIEN ! Hum. Bon, le multipla se traîne un peu dans les montées mais on a bien intégré la façon de se coller au fion des voitures devant pour leur stresser le cul.

Puis, l’autre jour, je vais à la pharmacie.

Oui voilà, bonjour, enchantée, j’ai subi une attaque de méduse traumatisante il y a une semaine, et ça me démange un truc pas tenable.

Elle inspecte ma blessure de guerre, avec l’œil expert de la pharmacienne méditerranéenne. Je dois être la 150ème piqûre de méduse de la journée.

Mais faut pas gratter comme ça ! qu’elle m’engueule

Wallah, j’ai pas gratté !

Qu’est ce que vous avez mis après la piqûre ?

Ben, heu… Rien.

– Vous avez désinfecté ?

Ben, heu… Non.

– Vous avez hydraté la plaie depuis ?

Ben, heu…. Non.

– Vous l’avez exposé au soleil ?

– Ben, heu… Oui.

Elle me regarde. Lève les yeux au ciel, et soupire.

Je lui souris, d’un air ravi.

On est tous le touriste d’un autre.

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