Les lendemains de cuite

© Vincent Galy

Ouiiii, d’accord, je sais de quoi je parle. Gnagnagna.

CHUUUUUUUUUT. Tu parles trop fort là.

Alors, pour les lendemains de cuite, y’a deux familles. Y’a ces lendemains où t’es dans le mal, mais t’es encore bourré, et du coup t’es quand même joyeux malgré ce dessèchement généralisé. Personnellement, dans ce genre de situation, je passe ma journée à glousser pour un oui ou pour un non, de sorte que j’ai l’air complètement neuneu. Si t’es pas à 100% niveau charisme et confiance en toi, viens me voir dans ces moments-là, t’auras l’impression d’être l’être le plus drôle de la Terre. Et ça, ça fait plaisir.

Et puis y’a les lendemains où t’es vraiment dans le mal, même le fait d’être encore bourré ne t’aide pas. Tu penses vivre tes dernières heures et tu restes dans ton lit à gémir.

PLUS JAMAAAAAAIS, peut-on t’entendre chouiner, alors que toi-même tu sais que l’anniversaire de Pedro c’est dans deux jours, et que tu vas certainement retourner le bar. Mais ceci est une autre histoire. Ou pas.

Avec l’âge, cette deuxième option devient une tendance générale. Evidemment, je parle ici de la grosse cuitasse, à base de rhum et de mélanges d’alcools douteux jusqu’au petit matin. Pas de la gueule de bois après un repas bien arrosé.

Alors, il paraît qu’il existe des gens sur la planète qui ont un cerveau de l’espace et qui n’ont jamais de trous noirs suite à l’abus d’alcool. Et ben vous devez bien vous faire chier. Parce que mon cerveau à moi, il me fait des putains de suspenses. Une vraie petite Agatha Christie ce cervelet. À base de flash back et d’indices. Plusieurs jours sont nécessaires pour remonter le cours de ma soirée. Grosse éclate en perspective.

Mais au fond, je sais que j’ai fait n’importe quoi. Un petit pressentiment au fond de moi.

Tiens, tiens, tiens, toi, t’as fait de la merde. Où est-ce que tu as encore fourré ta langue grosse catin ?

C’est sûrement pour ça que mon cerveau a choisi d’effacer une partie de mes souvenirs. On ne se souvient pas de notre naissance pour ne pas être traumatisé à vie. Et ben ton gentil cerveau fait pareil tout au long de ton existence. Cette pelle avec ce gros dégueulasse dans les toilettes du bar, tu ne t’en souviens pas pour une raison de santé mentale. Bon, après ton connard de cerveau espère que tu retiendras la leçon, et il t’envoie des petites images en mode flash.

FLASH

Oh putain, gros flash dans ma gueule. Mon cerveau vient de m’envoyer une image de grosses babines qui me lèchent le menton. Oui oui, je crois bien qu’il t’appartient ce menton, fais pas l’innocente Lola. PUTAIN MAIS QU’EST CE QUE J’AI BRANLÉ. C’EST QUI CE MEC BORDEL ?

À ce moment-là, y’a plusieurs options pour découvrir les détails de la soirée. Soit j’attends que mon cerveau m’envoie d’autres indices, pépère dans mon lit et je me persuade que finalement, ça devait pas être si important que ça, que j’ai dû bien me conduire malgré les 34 shooters de rhum. Hahaha. Hum. C’est la technique dite « de l’autruche ».

Ou je choisis l’appel à un ami, présent pendant la soirée, mais qui a conservé toute sa dignité et pourra me raconter comment j’ai perdu la mienne. C’est donc l’option « arracher le pansement ».

Je choisis l’autruche, cela va sans dire.

Oui, j’ai bien 31 ans. Kessya, quelqu’un a quelque chose à ajouter ?

J’évalue les indices autour de moi. Une chose est sûre, c’est que je suis chez moi, dans mon lit et que je suis encore totalement habillée. Chaussures comprises. Sac à main encore sur l’épaule. On dirait pas comme ça, mais si, c’est un bon début.

Comment je suis arrivée jusqu’à mon lit dans cet état ? C’est ce qu’on appelle le pilotage automatique. C’est une option qui marche bien chez moi. Bon, y’a des fois où il me manque un truc. Mais là, j’ai tout. Enfin, je crois.

Téléphone, check.

Portefeuille, check.

Carte bleue, check.

Culotte, check.

Oui non, c’est bien ça. Y’a que la dignité qui manque à l’appel. Mais ça va, elle connait le chemin.

Je passe à la salle de bain. Roooh putain la tronche. Merde Lola, faut arrêter ça quoi. J’ai des yeux de panda et encore du rouge à lèvre. Ça aussi c’est une bonne nouvelle. J’ai pas dû rouler tant de pelles que ça, ça veut dire. (À ce moment là, je sais que je me mens à moi-même puisque je porte un rouge à lèvres Mac, un truc que tu ne peux pas enlever même avec un karcher, mais faut pas être trop sévère avec soi-même.)

Je file sous la douche. J’ai comme une envie de me décrasser.

FLASH

AAAAAAAH FERME-LA ENCULÉ DE CERVEAU ! Ce con m’envoie des images. J’ai des clichés flous qui m’arrivent comme quand un personnage rêve dans une mauvaise série B.

C’est tout vaporeux. Je vois des shooters, je vois un bar. Je vois des gens qui font la chenille. Je vois un homme avec de la barbe. J’entends mon rire. Putain mais faites-la taire ! Je vois mes potes. Ils me disent que je suis trop déchirée, que je vais m’en vouloir. Je les envoie péter. Merde, encore l’homme à la barbe. Aaaaargh, il me roule une galoche avec force langue. PUTAIN MAIS QUI C’EST CE TYPE ?

Pas de doute, j’ai donné de mon âme dans ce putain de bar. Bon, mais je suis pas rentrée avec le mec en question, alors pourquoi je me sens mal comme ça ?

Bip Bip Bip (oui bon comment je décris une sonnerie de SMS moi, vous êtes marrants)

Donc, j’ai reçu un texto pour ceux qui seraient longs à la détente.

« Salut Miss *(Bonjour les hommes qui me lisent. SVP, pour le bien de l’humanité, arrêtez d’utiliser le mot « miss ». Je sais que vous pensez que c’est une bonne alternative, à la fois cool, coquine et pas trop romantique, mais non. C’est faux. C’est complètement has been, enfin, personnellement, ça me donne envie de vous enfoncer mes deux majeurs dans les orbites.)* J’espère que tu es bien rentrée après cette nuit agitée… *(trois petits points, sueur froide de mon côté pendant la lecture)* Tu m’avais donné ton numéro hier soir mais il manquait des chiffres *(tu m’étonnes)*, et j’ai donc demandé à Pedro… *(encore, ça me fout l’angoisse tous ces points)* En tout cas, j’ai passé une super soirée en ta compagnie et j’espère qu’on se reverra vite… *(bouffée de chaleur, qu’on lui ôte la fonction trois petits points)* Je t’embrasse.  »

L’enculé ne signe pas son texto. Comme si j’étais censée me rappeler de tout ce que je faisais en soirée. Lui, il part vraiment pas gagnant, c’est moi qui vous le dis.

Bip bip bip (oui ben c’est ma sonnerie de texto, qu’est-ce que j’y peux)

« Yo grosse tarée. T’es rentrée avec Albert ??? *(trois points d’interrogation signifient la plupart du temps que t’as pas intérêt à te chier sur la réponse)* Putain mais t’en rates pas une. Bon t’as intérêt à te remettre pour mon anniversaire, tu nous présenteras ton nouveau petit copain ! MDR *(majeurs dans orbites en présence de mots tels que « mdr », « lol » ou « ^^ ») *

NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON

Putain, j’ai galoché cet enfoiré d’Albert! Mais non mais ma vie est foutue, comment je vais arriver à sortir de chez moi après ça ?!

Albert vote Macron ! J’y crois pas, j’ai roulé des pelles à l’ennemi. Voilà, autant mourir de suite quoi. Putain, mais moi pendant la guerre, il aurait pas fallu me filer de la gnôle, sinon y’aurait eu pas mal de blonds dans la descendance.

Non mais wallah, c’était pas moi, j’étais même pas là toute façon ! C’était le pilotage automatique, il était en marche.

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