
© Vincent Galy
Cet été, y’a un sujet qu’a attiré mon attention plus qu’un autre : le mariage.
Non, parce que jusque là, j’avais pas réellement réfléchi au truc. Je me sentais pas vraiment concernée par le bordel.
Je matais ça de loin. Quand fallait mettre une petite robe de cocktail à l’occaz, je rechignais pas trop à aller me la coller en louzdé au champagne, pour me lancer en tête de chenille à 2h du mat’.
Bon, avec l’âge et l’expérience, j’ai appris à ne pas perdre trop d’énergie pour ce genre de cérémonie. Je sais comment me comporter pour pouvoir survivre jusqu’à la fin de la soirée.
Par exemple, j’ai arrêté d’aller chez le coiffeur pour me faire faire un chignon tout dur et tout collant avec des espèces de boucles entortillées comme un scotch à mouches.
Le prochain coiffeur qui essaye de me faire un chignon de mariage, je le déglingue.
Évidemment, toujours se mettre au fond de l’église pour pouvoir s’enfuir dès que possible.
Ne jamais venir avec ton mec du moment. Voilà, maintenant on se tape les photos de mariage avec des gars que personne ne reverra jamais. Parce que sur le moment, tu places Gilbert au premier rang pour l’intégrer, et trois ans plus tard, tout le monde se demande qui est ce clodo à côté du marié.
Toi compris.
Bref, les trucs de base de mariage quoi. Mais ça s’arrêtait là.
Sauf que depuis quelques mois, y’a mon entourage proche qui s’est foutu à passer des paliers comme on dit.
Tout le monde s’est fait passer le mot en même temps. Comme une sorte d’hystérie collective, les gens se sont mis à pondre des mioches et à marquer leur passage dans la vie d’adulte par différents signes distinctifs.
À 30 ans sonnés, pour bien signifier à la société que tu es quelqu’un d’intégré, tu as plusieurs options :
– te marier
– faire des enfants
– avoir une « situation »
– acheter une maison
Le mieux est évidemment de cumuler ces options. On peut ajouter des options subsidiaires du style « avoir un chien », « faire son potager », ou « construire sa propre table basse », mais celles-ci ne fonctionnent que si tu en as au moins une principale.
Sinon ça fait pas intégré, ça fait pitié.
Donc, plus tu cumules, plus tu gagnes de points, plus la société te félicite, et tu as droit à des échantillons de lessive gratuits.
Evidemment, le graal étant de cocher toutes ces cases-là. D’ailleurs, je ne sais pas ce qui arrive quand tu as obtenu tous les accessoires nécessaires à une vie épanouie et intégrée.
Est-ce que la partie est terminée ?Voilà, merci, vous avez gagné. Vous pouvez désormais arrêter de vivre et mourir d’ennui.
Non, mais ne me demandez pas, je n’ai absolument aucune idée de ce qui se passe au paradis les gars. Moi, je ne coche pas une seule de ces putains cases, je suis sacrément dans la merde.
PIRE, il se trouve que j’avais un bien, j’étais propriétaire. La société se disait que quand même, y’avait pas tout à jeter chez moi. Attends, laisse-lui deux minutes Jean-Mi, elle paye la taxe foncière, ça doit quand même être quelqu’un de responsable, au fond.
ET BAM. Je vends mon appartement.
Autant te dire que ça me lance des regards en coin. Je suis pas sereine sereine quant à la possibilité de m’ennuyer sous peu.
Bon, après, les gens sont un peu moins en panique depuis que j’ai un mec. Mais ça, c’est parce qu’ils ne le connaissent pas. Parce que c’est pas avec lui que je vais remplir des cases.
Enfin, pas les mêmes, if you know what I mean.
Hum.
N’empêche, ça m’a permis de réfléchir au mariage. Et, finalement, au-delà du fait que symboliquement, tu prends possession d’une personne, et que donc, tu lui retires sa liberté, et que c’est hyper flippant comme démarche d’amour, dans la forme, je cherche encore à comprendre pourquoi les gens payent une fortune pour une fête qui ressemble, de près ou de loin, à celle du voisin.
Les gens qui se marient veulent en faire un jour unique, l’un des plus beaux de leur vie. Et ils ne trouvent pas mieux que de faire une pâle copie de celui de Seb et Mag, l’orchestre et le foie gras en moins parce qu’on avait pas les moyens.
J’ai eu l’occasion d’observer un mariage de gens de la haute société. Des gens avec des noms à particule. Je n’étais évidemment pas invitée. Je travaillais. Oui, ben, on en revient aux cases hein. La situation, toussa. Le fait de ne pas cocher. Faut suivre.
Donc, on servait pour des gens qui appartenaient à un genre d’aristocratie. Des gens qui répondent à une étiquette, se vouvoient, et portent des costumes d’amiral ou je ne sais quel responsable marin avec des médailles collées sur les tétons. Le genre de personne qui, en dehors de leur cercle, ont l’air d’aller à une soirée costumée, mais que en vrai non, ils sont sérieux les types.
Et ben, tu sais pas quoi ? Il y a avait au programme, un cocktail, une mariée à robe blanche avec une tresse façon reine des neiges, des appareils photos de ci de là pour se prendre en duck face avec Marie-Eglantine, un repas hyper long, des discours pas drôles, des discours émouvants mais surtout malaisants, beaucoup d’alcool, un dj, une danse d’ouverture de bal, une pièce montée, et une grosse chenille de gens bien bourrés en louzdés.
Voilà. Tout pareil que pour le mariage de Seb et Mag, sauf que l’alcool et la bouffe étaient de meilleure qualité.
Surtout qu’en plus, c’est ultra cher un truc pareil. Et tout le monde est méga stressé, c’est pire que le soir des élections présidentielles au sein du parti socialiste l’ambiance.
T’as l’impression que les gens jouent leur vie et que le cours de la bourse risque de chuter si le père de la mariée est servi après le vieux cousin Jean-Fab.
Et je te parle même pas des weddings planers. Les mecs qui organisent des mariages sont dans un niveau d’engagement tel, qu’ils sont prêts à clamser dès qu’une fleur part en cacahouète.
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH QU’EST CE QUE C’EST QUE ÇA JULIETTE ? QUI A MIS LE PLI DES SERVIETTES CÔTÉ NORD MON DIEU J’AVAIS DIT QU’ILS DEVAIENT ETRE FACE AU SOLEIL COUCHANT ! OH NON TOUT EST FOUTU C’EST PAS POSSIBLE PARDONNEZ MOI SEIGNEUR C’EST LA CATASTROPHE
C’est fascinant à regarder. Le mec a foutu tout le monde en PLS avec ses cris stridents et il est à deux doigts de l’AVC. On se croirait en infiltration au Pentagone, et je me demande tout à coup, si j’ai les compétences pour une mission de cette importance.
– Ben si tu veux, je les mets dans l’autre sens, que je lui dis tranquillement.
– Non, c’est pas grave.
Et le mec n’en parle plus. Il s’est payé son shot d’adrénaline et il se casse.
Evidemment, personne ne fera attention au pli des serviettes au moment du repas.
Mais au fond, vous avez compris où je voulais vous emmener. Riche ou pauvre, on est tous guidé par les mêmes injonctions.
Moi, je ne suis ni riche ni pauvre, mais il semble que je sois mal barrée pour gagner la partie.
Enfin, pas celle-là, if you know what I mean.