Journal d’une confinée #jour4

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Jour 4

Aujourd’hui, il faisait beau. On a donc zoné dans le petit jardin-terrasse de la coloc. Ça nous a permis de prendre conscience de la vie autour de nous. Tout le monde les fenêtres ouvertes et cloitré à la maison, ça nous a fait l’animation.

Je peux vous dire que la petite voisine a fait une occlusion intestinale dernièrement, c’était pas jojo à c’que j’ai compris.

Léa a fait chier le monde pour mettre son short. Son père l’a menacée de lui donner un chocolat si elle acceptait. Franchement, ça à l’air chaud le confinement avec les gosses. On sent déjà que les parents sont au bord de la rupture, alors qu’on est au jour 4. Les parents s’embrouillent à base de « mais je te dis que c’est le matin où les gosses apprennent le mieux ! », et le mioche se fait triquer dès qu’il déplace un légo.

Attendez, on me dit dans l’oreillette que c’est comme ça même quand ils ne sont pas confinés. Ah, merde.

Chais pas vous, mais les gens dans mon quartier continuent leur vie pratiquement comme si on avait pas d’ordre de confinement, c’est quand même hallucinant. Tout le monde comprend par le cul dans ce pays, j’ai l’impression.

Qu’est-ce que tu saisis pas dans « éviter les déplacements inutiles » ? Ça va faire du roller avec ses gosses en bord de Garonne pépouze. Ça ramasse des fleurs, ça profite du beau temps, ça fait des footings, ça sifflote. Manu, il a dit C’EST LA GUERRE BORDEL.

En fait, le confinement, c’est comme le deuil. Tu passes par plusieurs phases.

1. Le choc et le déni

Mon coloc est clairement dans cette phase. Moi, j’ai fait passer le choc avec ma cuite de samedi soir. Lui, il a rien suivi, et alors que tout le monde s’est préparé pour un confinement avoisinant les 45 jours, Lucien reste persuadé qu’il va retourner bosser dans 15 jours.

En même temps, le mec fait un puzzle. Un truc sorti du tiroir de Pierre Bellemare. Et le pire, c’est qu’il a commencé cette activité absolument déprimante avant le confinement. Déjà, y a un truc qui tourne pas rond chez cet individu, nous sommes d’accord.

2. La colère

MAIS SÉRIEUSEMENT KESKE LES GENS FONT AVEC LE PQ, ILS LE CUISINENT OU QUOI ? TOUTE FAÇON J’ARRIVE PLUS À CHIER À FORCE DE BOUFFER DES PÂTES SEMI COMPLÈTES PUTAIN DE MERDE TU ME FAIS CHIER DUR MANU

3. La négociation

Non mais c’est bon, y a pas de souci, j’ai compris, je sors pas sauf si j’ai mon attestation, je peux aller me promener sur les bords de Garonne. Et si mon enfant croise un autre enfant, ils vont rester à deux mètres de distance, c’est Macron qui l’a dit qu’on pouvait continuer les activités sportives. C’est bien connu que les gosses ça écoute ce qu’on dit, surtout quand c’est le président. Et puis, s’il se pète la gueule, il ira aux urgences. C’est bon, en fait le confinement, c’est simple.

4. La dépression et la douleur

C’est pour ça que je bouffe autant de chocolat, pour compenser un manque, pour noyer mon chagrin. Idem pour le vin, c’est normal, ça fait partie du processus de deuil de ma vie antérieure. Les idées noires, type se couper une frange, sont également symptomatiques de cette phase. Ne pas paniquer. Ne surtout pas chercher des photos de frange sur google image, mais ne restez pas seule. Mettez-vous en relation avec un proche, changez de pièce tout simplement, parce que tu vas pas appeler ton mec qui est dans la même maison, ne sois pas ridicule.

5. L’acceptation

Non moi ça va hamdoullah, je reste à la phase 4.

J’ai toujours pas de frange, mais je compense.