Mes amis trentenaires ont la fâcheuse manie de se reproduire ces derniers temps.
Il y a toujours le premier du groupe d’ami, celui qui passe le cap avant tout le monde.
– Tiens c’est marrant, j’aurais pas misé sur Régis.
Silence parmi les copains. Tous se regardent en chien de faïence. Sans le vouloir, Régis vient de lancer un chrono malsain, chacun jaugeant l’autre sur sa capacité à copuler et se multiplier. Qui sera le dernier ?
Ça va que dans mon groupe il y a pas mal de casseroles. Ça me classe pas mal dans les stat’. Mais ça rend aussi le chrono encore plus stressant. Si ces cons arrivent à faire un bébé avant moi ce sera un mauvais présage. Je fais partie des plus jeunes, je suis donc techniquement un peu moins stressée que les autres. MAIS je suis une femme. Ce putain de chrono est donc accéléré pour moi. Bon il y a d’autres nanas, mais je suis pas en pole position niveau stabilité de vie.
Putain voilà Régis, t’es content de toi ? On en est à dresser des bilans maintenant. J’étais pas prête à m’auto diagnostiquer sur ma capacité à enfanter, tu fous toute cette légèreté en l’air.
Bon ok je vais avoir 30 ans, mais je pensais pas avoir à y penser avant de les avoir. Ça me gâche mes derniers mois de la vingtaine tout ça.
Sans compter les amis hors du club restreint qui se mettent à faire des gosses à tout va. Paraît que c’est l’âge. Mais le truc c’est qu’en plus de la pression sociale, il faut offrir des cadeaux à tous ces nouveaux arrivants. Moi j’ai misé sur le cadeau hand made, le fanion personnalisé. Ça passe ou ça casse, n’empêche je commence à être balèze en fanion.
Au début c’est la surprise, même la joie qui prédomine ce genre d’annonce.
– Génial ! C’est prévu pour quand ?
Mais au bout d’un moment.
– Putain encore ! Mais non mais pas elle !
Bref la panique, des fanions à tire larigot et des nanas qui boivent du schwepps aux soirées. Entre les bébés et les femmes enceintes, les fumeurs sont peu à peu exclus du salon. Chacune se demandant si quitte à ne plus fumer, autant ne pas en mettre un en route. Même les conversations tournent autour de ce thème.
– Et toi, tu te vois avoir un enfant avec John ?
– Ben chais pas. Faut que je réponde tout de suite ?
– Moi j’aimerais bien, mais j’ai pas encore trouvé le bon géniteur.
Mais putain Régis ! Voilà ce que tu nous fais faire ! Tu nous fous la panique dans le planning et les gens se mettent à dire n’importe quoi !
La vingtaine, cette ère où les salons étaient enfumés et où le schweppes n’était réservé qu’aux buveurs de gin est désormais révolue. Maintenant on fait des fanions et on parle géniteur. Bravo.